Crise politique en Tunisie, Rachid Ghannouchi accuse les Emirats

Ghannouchi
Ghannouchi

Depuis février 2021, le président tunisien Kaïs Saïed a entamé une purge sans précédent dans les équipes qui ont des responsabilités importantes. Le président sans étiquette, élu depuis seulement 2019, représentait l'espoir pour beaucoup de Tunisiens ; ces derniers espéraient que Saïed redonnerait une stabilité politique au pays, suite aux très nombreux rebondissements qui ont eu lieu depuis la chute de Ben Ali en 2011. Mais l’instabilité semble pour certains aller crescendo avec des limogeages de ministres, de diplomates ou d’ambassadeurs, le président Saïed semble n’avoir plus confiance en grand monde et s’est lancé dans une véritable chasse aux personnalités politiques incompétentes ou corrompues. Récemment, Kaïs Saïed est allé encore plus loin en décidant de s’octroyer les pleins pouvoirs exécutifs et de suspendre le travail des députés pour 30 jours, le temps de mettre bon ordre dans un pays qui peine à faire de la crise sanitaire un problème sous contrôle.

Ghannouchi accuse les Émirats d'être derrière les coups d'Etat

Rached Ghannouchi, le président patriarche du parti islamique Ennahdha, âgé de 80 ans, ne voit pas d’un bon œil les décisions prises par Kaïs Saïed. Il dénonce des actions qu’il qualifie d’inconstitutionnelles. Ironiquement, le président Kaïs Saïed est un spécialiste du droit constitutionnel... Il s’est aussi confié dans un récent entretien auprès du journal The Times et sa vision des évènements éclaire sous un nouvel angle la situation chaotique que traverse la Tunisie: "J’accuse les Émirats arabes unis (E.A.U.) d’être derrière le coup d’état mené par le président Kaïs Saïed en Tunisie.". Selon M. Ghannouchi, les E.A.U. seraient déterminés à influencer la vie politique tunisienne afin de s’assurer que le projet du parti politique qu’il représente ne soit plus possible. "Les EAU considèrent que notre projet d'islam démocratique est une menace pour leur autorité et ont décidé que les idées du printemps arabe qui a commencé en Tunisie devait mourir en Tunisie".

Selon Ghannouchi, des puissances étrangères sont donc à l’œuvre pour souffler le chaud et le froid depuis 2011 en Tunisie. Il insiste en ajoutant : "Voyez l’extrême attention des médias émiratis pour ce qu'il se passe en Tunisie…  Les EAU sont loin d’ici et il n'y a pas de conflit d'intérêts, alors pourquoi avoir autant d'intérêt pour la Tunisie ?".

Le leader d'Ennahdha a établi un parallèle avec la situation en Egypte : "Les Émirats arabes unis étaient l'un des plus fervents partisans du coup d'État d'Abdel Fattah el-Sissi contre le président islamiste Mohamed Morsi en 2013.". M. Morsi était pour rappel un président membre du parti des Frères Musulmans dont le projet, proche de celui défendu par Ennahdha, était d’établir une démocratie islamique en Egypte. M. Ghannouchi rajoute : "Des milliers de membres des Frères musulmans ont depuis été arrêtés, dont certains risquent la peine de mort, et Morsi lui-même est décédé dans une salle d'audience en se défendant. Mais la Tunisie n'est pas l'Egypte, il y a des relations différentes entre l'armée et le gouvernement, même si l'armée a protégé la liberté et les urnes depuis la révolution. Toutefois, je vois une grande similitude entre les actions de Kaïs Saïed et le coup d'Etat réalisé par Abdel Fattah al-Sissi", militaire et actuel président de l’Egypte depuis 2014. Selon lui, toutes ces opérations sont coordonnées par les États du Golfe, pilotées à distance en particulier par l’utilisation des médias sociaux.

Pour M. Ghannouchi, donc, la déstabilisation en Egypte, en Libye et en Tunisie n'a qu’un seul coupable. Les Émirats arabes unis n'ont pas commenté les accusations selon lesquelles ils seraient à l'origine du coup d'État. L'Arabie saoudite a exprimé son soutien au président Kaïs Saïed, tandis que la Turquie a dénoncé ses actions.

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Mis en ligne : Mercredi 4 Août 2021
 
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