El kabla, la sage-femme algérienne

Nourrisson âgé d'un jour
Nourrisson âgé d'un jour

Voilà comment se déroulait un accouchement autrefois en Algérie: Dès qu'une femme en fin de grossesse ressentait ses premières contractions, on accourait chercher la kabla, dame d'un âge respectable, réputée pour sa sagesse, que Dieu avait donc remerciée en lui donnant le privilège d'être la protectrice des mamans!

La sage-femme assistait la jeune femme durant le travail. Dès les premiers signes de l'apparition de l'enfant, elle disait, lorsqu'il était le premier-né du couple : "Si tu es une fille, tu te nommeras Fatma-Zohra, comme la fille du Prophète. Si tu es un garçon, tu te nommeras Mohammed comme le Prophète". Après quoi, elle recevait le nouveau-né dans ses bras et les femmes présentes faisaient des youyous.

Pour annoncer la grande nouvelle au père du nouveau-né, on envoyait un messager au mari de la jeune accouchée. Quasiment aussitôt, l'heureux père se chargeait des préparatifs de la fête du septième jour. Fête au cours de laquelle les jeunes parents recevaient leurs proches, venus les féliciter et offrir un présent de bienvenue au nouveau-né. Le père devait acheter de la semoule, du beurre salé et plusieurs kilos de viande pour la cérémonie. Lorsqu'il était riche, il achetait un mouton!

La kabla protectrice et magicienne

Pendant que le père s'affairait à annoncer la nouvelle à ses proches et à préparer la fête du septième jour, la jeune maman était chouchoutée : on lui servait des douceurs ou des mets fortifiants pour qu'elle recouvre ses forces. Les femmes de la famille offraient à l'entourage des assiettes de la traditionnelle Tamina (sorte de gâteau de semoule au beurre et au miel), qui marque les heureuses nouvelles dans la tradition algérienne.

Quant au bébé, il était entièrement pris en charge par la Kabla, qui pratiquait un rituel magique sensé l'éloigner de toute forme de maléfice. Le rituel consistait à maquiller les yeux et les sourcils du bébé avec du khôl, puis de lui donner quelques gouttes d'une boisson préparée avec du cumin dilué dans de l'eau de fleur d'oranger. Pour finir, elle récitait quelques incantations pour le protéger du mauvais œil. Enfin, elle le présentait à sa jeune maman, rassurée de savoir son enfant entre de bonnes mains.

Le premier bain de l'enfant

C'est à la sage-femme que revenait l'honneur de donner son premier bain au nouveau-né ; elle le fera de façon exclusive pendant les sept premiers jours de l'enfant. Le premier bain était spécial : elle le préparait en faisant bouillir de l'eau, elle faisait infuser du thym, des feuilles de citronnier, d'oranger, de laurier et du pouliot. C'est dans cette infusion filtrée et tiède, que sera trempé le bébé, dans l'intimité d'une petite tente dressée pour l'occasion par deux jeunes filles tenant chacune une bougie à la main. Après le bain, la kabla redessinait de khôl les sourcils de son petit protégé et lui enduisait les mains et les pieds de henné, tout en récitant des Takdeme, sorte de petits poèmes fredonnés.

Bébé berbere
Bébé berbere

La kabla était un soutien précieux pour une jeune maman

La kabla devait ensuite rendre fréquemment visite à l'accouchée et à son enfant pendant la période des quarante jours.

La kabla jouait aussi le rôle de marraine et de médiatrice

En réalité, la sage-femme algérienne d'antan était présente lors de chaque événement qui marquait l'existence de l'enfant qu'elle avait fait naître : elle était là le jour de sa première coupe de cheveux, lors de sa circoncision si c'était un garçon, et continuait même à lui donner un bain hebdomadaire jusqu'à l'âge de huit ou neuf ans. Plus tard encore, quand il aurait atteint l'âge du mariage, elle accompagnerait ses parents pour demander la main de sa future épouse si c'était un jeune homme et s'il s'agissait d'une jeune fille, elle lui poserait le henné lors de la cérémonie du henné. Et s'il survenait des problèmes au sein du jeune couple après le mariage, les menaçant de rupture, elle pouvait jouer le rôle de médiatrice.

Pour sa sagesse et sa raison, on faisait également appel à elle pour accompagner les femmes mourantes durant leurs derniers jours.

La sage-femme jouait bien des rôles au sein des familles algériennes et c'était un bonheur de l'avoir sous son toit car, par sa simple présence, elle apportait la paix, la tranquillité et la sécurité auxquelles tout foyer aspire.

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Mis en ligne : Mardi 8 Mars 2005
 
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