En 2011, le propriétaire d’une pizzeria de Huanchaquito, une ville au Pérou, a informé l’archéologue Gabriel Prieto, natif de la région, que ses enfants avaient trouvé des ossements humains dans un terrain vague. Après avoir exhumé les restes de plusieurs enfants drapés dans des linceuls, datés entre 1400 et 1450 de notre ère, l’archéologue a réalisé qu’il était tombé sur une découverte importante.
Les tombes n’étaient pas typiques des Chimù. Les enfants étaient enterrés dans des positions inhabituelles – allongés sur le dos ou couchés sur le côté, au lieu de se tenir assis bien droit, comme c’était la coutume. Ils n’étaient pas non plus entourés d’ornements, de poteries ou d’autres artefacts, pourtant courants dans les inhumations des Chimù.
En revanche, beaucoup d’enfants avaient été ensevelis à côté de jeunes lamas et, peut-être, d’alpagas. Or ces animaux figuraient parmi les biens les plus précieux des Chimù. Ils étaient une source vitale de nourriture et de fibres textiles, et servaient de moyen de transport.
Surtout, nombre d’enfants et d’animaux portaient des marques d’incisions sur le sternum et les côtes. Pour analyser ces éléments, Gabriel Prieto a fait appel à John Verano, anthropobiologiste et expert médico-légal à l’université Tulane en Louisiane. Après examen des restes à Huanchaquito, Verano a confirmé que les enfants et les animaux avaient été délibérément tués de la même façon – d’une entaille horizontale en travers du sternum, sans doute suivie par l’extraction du cœur.
Suite à cette série d’exhumations, le site de Pama La Cruz, situé un peu plus à l’ouest de la ville, a également été découvert. En tout, les deux lieux archéologiques comptent 269 squelettes d’enfants, âgés de 5 à 14 ans, 3 d’adultes et 466 de lamas. Si l’on savait la pratique courante chez les Aztèques, ce type de sacrifice était jusque-là inconnu chez les Chimù.
Qu’est-ce qui a bien pu pousser ce peuple à massacrer sa jeunesse? Les historiens pensent que des pluies destructrices, sans doute dues à El Niño et la menace d’une invasion inca pourraient avoir décidé les chefs chimùs à organiser des sacrifices désespérés à ses dieux. Mais ces rituels effroyables restent encore largement incompris des spécialistes.
Extraits de l'article 'Les enfants sacrifiés' de Kristine Romey, dans le numéro de février 2019 du magazine National Geographic.