Je m’appelle Sindbad et suis aujourd’hui le plus riche marchand de Bagdad. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Lorsque j’étais jeune, j’ai voyagé sur toutes les mers et vécu mille aventures… C’est l’une d’elles que je vais maintenant vous conter :
Un jour, notre bateau aborda sur une île merveilleuse. Nous y trouvâmes des fruits délicieux, des fleurs extraordinaires, des sources cristallines et des oiseaux multicolores qui chantaient à tue-tête. Cependant, pas un seul homme ne semblait vivre dans ce paradis.
Je laissai là mon équipage et partis en exploration de cette île de rêve. Au bout d’un moment, me sentant fatigué, je m’étendis sur l’herbe et ne tardai pas à m’endormir…
Quand je me réveillai, horreur! Le bateau était reparti sans moi ! Déjà, les voiles blanches n’étaient plus que des points minuscules à l’horizon. Je montai sur une colline, espérant découvrir un village ou une ville sur l’autre versant. Mais il n’y avait rien… Ou plutôt si, il y avait une chose très étrange: un dôme blanc monumental.
Je m’en approchai et en fis le tour, ce qui me prit un certain temps, tellement il était grand. Il ne possédait pas la moindre porte d’entrée, pas un trou, pas un accroc ! Je le touchai. Sa surface était complètement lisse…
Soudain, le ciel s’obscurcit et le vent se mit à souffler. Un énorme oiseau noir venait de se poser sur le dôme! Je n’eus aucun mal à le reconnaître: c’était le Grand Roc, cet oiseau légendaire dont on m’avait si souvent parlé. Moi qui n’avais jamais cru à ces histoires, je me retrouvai subitement tout près de lui… et je me sentais très humble! Je compris alors que le dôme blanc était son œuf et qu’il venait le couver! L’oiseau se posa sur le dôme et sembla s’endormir. C’est alors que me vint une idée… Je défis mon turban et l’entortillai pour en faire une sorte de corde que j’attachai à une patte de l’oiseau et enroulai l’autre extrémité autour de ma taille. Puis, je patientai près de l’oiseau, sans un bruit, sans un geste…
Aux premières lueurs de l’aube, l’oiseau se réveilla. Il s’envola en poussant un cri rocailleux et je me retrouvai suspendu dans les airs !
L’oiseau vola longtemps, longtemps. Enfin, il se posa au fond d’une vallée encaissée. Je venais à peine de me détacher quand il s’envola de nouveau, emportant un serpent dans son bec.
De tous côtés se dressaient des parois escarpées. Il m’était impossible d’y grimper. Ah ! Comme je regrettais de ne pas être resté dans l’île! Là-bas, au moins, il y avait de l’eau et des fruits! N’allais-je pas mourir de faim et de soif dans cet endroit sinistre?
Dans mon affolement, je n’avais même pas remarqué que la vallée scintillait de mille feux. Le sol était jonché de diamants qui reflétaient les lueurs de l’aube. Jamais je n’avais admiré un tel trésor, même dans les plus riches demeures de Bagdad!
Cependant, mes ennuis n’étaient pas terminés pour autant car sur le sol, il y avait aussi d’énormes serpents, suffisamment gros pour me gober en une seule fois! Aucun doute, j’étais dans la fameuse Vallée des Diamants, celle d’où personne n’était jamais revenu!
Bientôt le jour se leva et les serpents disparurent dans des crevasses. Toute la journée, je parcourus la vallée dans tous les sens… Je n’y décelai pas une source, pas une seule goutte d’eau! Qu’allais-je devenir?
Lorsque le soir tomba, je trouvai une petite grotte. Après l’avoir inspectée attentivement, au cas où un serpent y aurait élu domicile, je décidai d’y passer la nuit. J’en bouchai l’entrée avec une grosse pierre, et, toute la nuit, j’entendis siffler les serpents devant mon refuge.
Au petit matin, les serpents disparurent de nouveau et je sortis de la grotte, tremblant de peur et de faim. Soudain, quelque chose tomba à côté de moi : un mouton mort! Deux autres le suivirent de près et s’écrasèrent à quelques pas de là. C’étaient des chercheurs de diamants qui les jetaient du haut de la falaise…
J’avais déjà entendu parler de cette étrange façon de procéder. L’épaisse fourrure des moutons accrochait au passage un grand nombre de diamants. Alléchés par les cadavres de moutons, de très grands aigles fondaient sur eux et les emportaient dans leurs nids, tout en haut. Ainsi, les chercheurs n’avaient plus qu’à faire fuir les aigles et à chercher leur butin dans la toison des moutons.
Enfin, je tenais mon unique chance de quitter cet endroit infernal ! D’abord, je remplis mes poches de diamants. Puis je choisis le plus gros mouton, et, après avoir déroulé mon turban une nouvelle fois, je m’agrippai de toutes mes forces à l’animal.
Je n’attendis pas longtemps avant de me sentir soulevé de terre. Un aigle aux ailes immenses me porta dans son nid. Mais soudain, je sentis qu’il donnait de terribles coups de bec au mouton.
"Malheur, pensais-je, il va me dévorer!"
Pourtant, l’aigle s’envola. Les hommes l’avait chassé en lui lançant de gros cailloux. Aussitôt, je me détachai et bondis sur mes pieds. Mais je vis que les hommes me regardaient d’un air hagard, car j’étais couvert de sang. Aussi m’empressai-je de leur crier:
"Ne craignez rien ! Ce n’est que du sang de mouton ! Aidez moi, vous serez largement récompensés, car j’ai dans mes poches plus de diamants que vous n’avez jamais rêvé d’en posséder!".
Ces hommes me conduisirent jusqu’à la tente de leur chef à qui je racontai tout ce qui m’était arrivé. Il me donna à boire et à manger, ainsi que des vêtements propres.
Pour le remercier de sa bonté, je lui proposai de partager mes diamants avec lui.
Mais il n’en pris que deux en disant :
"Gardez les autres mon ami! Vous les avez bien mérités!".
Voilà, mes chers amis, comment se termina cette incroyable aventure. Depuis, j’ai vendu tous mes diamants, à l’exception d’un seul, que je garde en souvenir de cette vallée dont nul ne revient, mais à laquelle, moi, Sindbad, je dois ma fortune!