Pour la première fois, un Syrien est élu maire d'une commune allemande

L’histoire de Ryyan Alshebl a suscité un intérêt international. Et pour cause: arrivé en Allemagne en 2015 après avoir fui la guerre en Syrie, il est aujourd'hui maire d'une municipalité souabe: Ostelsheim (commune d’un land du sud-ouest de l'Allemagne). Lorsqu’il était candidat, et c’est suffisamment rare pour le souligner, il s’est présenté lui-même à ses futurs administrés pour leur remettre des tracts! Il n’y a pas beaucoup de maires qui sont aussi proches des habitants de leur ville et cela semble être apprécié par les Allemands. Le jeune maire avance le dos voûté, en regardant ses chaussures, mais cela ne le rend pas moins sympathique aux yeux des gens.

Ryyan Alshebl a 29 ans et a grandi en Syrie. Sa mère est institutrice et son père est ingénieur agronome. Lui-même a commencé à étudier la finance à 21 ans puis s'est enfui en Europe. En 2016, il a effectué son premier stage dans l'administration d'une commune voisine d'Ostelsheim dans le nord de la Forêt-Noire.

Il s'est présenté aux élections à la municipalité de d’Ostelsheim en tant que candidat sans parti, alors qu’il est membre des Verts. Son mandat de bourgmestre (maire) débutera en juin 2023. Le journal allemand ZDF à Bade-Wüttemberg (par le biais de Luisa Houben) l'a interviewé sur son parcours.

- Vous avez fui la Syrie en 2015. Huit ans plus tard, vous devenez maire d'Ostelsheim dans le Bade-Wurtemberg. Que signifie pour vous votre victoire électorale?

- Ryyan Alshebl: Pour moi, personnellement, c'est une réussite professionnelle. Mais c'est aussi une réussite de la société. Cela montre que la société est prête non seulement à accepter les gens, mais aussi à les élire à des fonctions politiques importantes. Cela révèle la tolérance, le cosmopolitisme et une bonne coopération de la société.

- Qu'est-ce qui vous a motivé à vous présenter aux élections?

- La polyvalence du mandat de maire. Du chantier de construction à la garde d'enfants, je trouve les missions très intéressantes. Je reçois des informations sur de nombreux sujets différents. J'aime ça.

- Quel rôle votre origine a-t-elle joué dans la campagne électorale ?

Mes origines n'ont guère joué de rôle, j'ai de bonnes relations avec la plupart des gens d'Ostelsheim. Même les gens qui n'ont pas voté pour moi ont été justes et factuels dans les débats avec moi. Je n'ai reçu aucun message haineux.

- L'histoire du réfugié qui devient maire est bien accueillie. De nombreux médias internationaux parlent de vous.

- Ryyan Alshebl: Je suis content d'avoir gagné. Mais le fait de réaliser que je suis un ancien réfugié n'a rien à voir avec ma mission. Je trouve cela très bien qu'on me célèbre en ce moment, mais cela montre que ce n'est pas encore une évidence que des gens comme moi puissent accéder au mandat de maire, et je pense que c'est dommage.

- Vous parlez très bien l'allemand, car vous avez suivi des cours et avez un passeport allemand : votre histoire montre que l'intégration peut fonctionner.

- Alshebl: Je n'aime pas le mot intégration. Le terme est complètement usé et il n'est même pas clairement défini.
Pour moi, c'est un marché que tu fais quand tu arrives ici. J'apprends la langue et la culture, je fais attention à toutes les lois et réglementations. Je m'attends à ce que l'autre côté, la société dominante, puisse dire: "Nous sommes heureux de vous accueillir". C'est ainsi qu'une coopération réussit.

- Cela vous ennuie-t-il d'être réduit à votre histoire migratoire?

- Alshebl: Je comprends le débat. Mais oui, c'est énervant. On est réduit à sa maison d'origine et ce n'est pas vraiment une source de réjouissance.

- Que souhaitez-vous?

- Alshebl: Je souhaite que mon parcours devienne quelque chose de normal. Peu importe d'où vous venez, ce qui compte c’est où vous voulez aller, ce que vous voulez accomplir.

- Quels sont vos objectifs en tant que maire d'Ostelsheim?

- Alshebl: Les missions sont diverses, pêle-mêle : j’aimerais proposer une garde d'enfants avec des offres à la journée et un accueil de jour. Je voudrais que nous ayons une résidence-services pour seniors. Je souhaiterais voir un supermarché en ville. Et pour ce qui est de l'expansion du haut débit, elle est en cours et l'administration va être numérisée.