Biographie de Keltoum, la célébrissime actrice algérienne

Keltoum, première actrice algérienne
Keltoum, première actrice algérienne

Keltoum, de son vrai nom Aïcha Adjouri, est l’une des premières actrices algériennes à s’être consacrée à une carrière cinématographique. Elle est très connue en Algérie pour son rôle dans le film "Le vent des Aurès", dans lequel elle interprète le rôle d'une mère courageuse, prête à tout pour sauver son fils.

Keltoum est née le 4 février 1916 et est décédée le 11 novembre 2010. Elle avait reçu une éducation rigoriste. Cela ne l'a pourtant pas empêchée de se consacrer à une carrière d'artiste et d'accéder à la célébrité. Pour autant, il lui a fallu braver les interdits familiaux et les préjugés sociaux pour devenir une référence du cinéma algérien. A l'époque, se faire une place dans le milieu artistique, pour une femme sans soutien familial, était loin d’être facile!

Keltoum, ses débuts

Elle fut repérée par Mahieddine Bachtarzi, metteur en scène et célèbre auteur de pièces de théâtre.

Mahieddine Bachtarzi a révélé qu'il avait été contraint de kidnapper la comédienne! Une anecdote racontée non sans humour, dans le livre Mémoires par Bachetarzi relate le récit savoureux qui vaut bien le détour. Les faits se déroulent durant l'automne 1934 et Bachtarzi raconte: "Nos billets étaient réservés pour aller jouer à Tizi Ouzou le 19 septembre. Le 17, nous n'avions pas vu Keltoum à la répétition. Nous pensions qu'elle était malade. Georges Hertz, un collègue, et moi, courons alors chez elle. Son mari nous apprend qu'elle a dû aller à Blida pour rendre une petite visite à ses parents. Nous ne nous inquiétons pas davantage, et nous ne doutons pas de la voir arriver le soir même ou le lendemain. Keltoum était âgée de 18 ans. Elle avait épousé un garçon de 22 ans. Les jeunes mariés étaient dans une situation des plus précaires. Ils logeaient chez une certaine Juliette, Juive tunisienne marchande d'amandes grillées à la terrasse des cafés, femme remuante, intrigante, ambitieuse, qui, jalouse des premiers succès de Keltoum, rêvait de prendre sa place pour devenir elle-même vedette.

Elle avait essayé de monter la tête au jeune mari pour qu'il empêche sa femme de faire du théâtre, en vain, puisque le malheureux était dans l'impossibilité de travailler et n'avait d'autres ressources que les cachets de Keltoum. A mon retour à mon bureau de la rue de la Lyre, je vis accourir le mari de Keltoum tout affolé. "Je viens de recevoir un mot de Aouaouech! Ses parents l'ont séquestrée pour l'empêcher de devenir comédienne". Je bondis! J'appelle Hertz et nous nous retrouvons à Blida. Chez la famille, Hertz est présenté comme un docteur et moi comme un commissaire de police d’Alger. A la tante, on annonce que le mari de sa nièce est mort subitement. Il fallait l'autorisation de l'épouse pour la délivrance du permis d'inhumer. Alors la pauvre tante accepte d'aller prévenir sa nièce. Nous la suivons directement à travers les ruelles tortueuses du quartier des Behirate. Keltoum sort avec un haïk sur la tête et les pieds nus. La famille crie, les voisins sortent dans la ruelle. Un vrai kidnapping! On rentre ; direction Alger."

Keltoum avait eu l'imprudence de confier à Juliette qu'elle n'avait jamais dit à ses parents qu'elle faisait du théâtre. La satanique Juliette n'avait rien trouvé de mieux que d'écrire aux parents qu'il fallait à tout prix empêcher leur fille de faire la... hum, de faire du théâtre. Keltoum s’est remise de ses émotions juste à temps pour jouer sur scène à Tizi Ouzou, et ce fut un triomphe!".

Keltoum, la Piaf Algérienne

Pendant des années, Keltoum a souvent obtenu le rôle principal, dans les pièces de théâtre et les films au cinéma, pour les rôles féminins. La presse algérienne élogieuse disait à propos de l'artiste: "Pendant plus de 70 ans, ce bout de femme, dont la silhouette rappelle à bien des égards Edith Piaf, a bravé les interdits, cassé les tabous.". Après une grande tournée en France, Keltoum s'oriente définitivement vers le théâtre et participe à des pièces mises en scène par de célèbres metteurs en scène algériens: Mahieddine Bachtarzi, Rachid Ksentini et Habib Réda, entre autres...

Elle s’est également lancée dans une carrière de chanteuse. Elle a enregistré cinq disques entre 1940 et 1950 dont "Ya ouled El Ourbane" et "Ahd Thnine".

Keltoum a participé à une adaptation mémorable de "Othello" du célèbre William Shakespeare. La comédienne dût faire une pause dans sa carrière, en 1952, quand elle et son mari ont décidé d’avoir un bébé. Elle reprendra ses activités artistiques après avoir accouché, en 1954, de son premier enfant, un garçon appelé Sid-Ahmed Fetouh.

Avec le déclenchement de la guerre de libération nationale en novembre 1954, elle décida de s'engager aux côtés du Front de Libération National (FLN) avant de reprendre ses activités en 1963 au théâtre algérien. Durant la Guerre de Libération, l'armée française la surveillait de près à cause de ses activités et effectuait souvent des descentes chez elle. Ainsi, elle échappa de peu à la mort, ainsi que son mari et son bébé, lors d'une descente de la DST et des paras. Une arme pointée sur elle, le parachutiste était prêt à tirer, si les pleurs du bébé ne l’en avaient dissuadé!

Poussée à la retraite en 1989, elle remontera une dernière fois sur les planches en 1991 aux côtés de l’acteur Rouiched.

Keltoum a grandement participé, avec Nouria (1921-2020), actrice algérienne également, à changer le regard des metteurs en scène et de la société sur les femmes actrices. Elle est la première actrice algérienne à avoir osé porter, lors d'une représentation, une robe cousue avec tous les drapeaux du monde arabe. Le message que véhiculait cette robe, était celui de la volonté de voir les pays arabes solidaires.

Crédits photo: Cinémathèque algérienne

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Mis en ligne : Samedi 12 Novembre 2022
 
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