Depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye s’est enlisée dans une situation complexe et la vie du pays peine à se restructurer. On sait, grâce aux fuites des messages électroniques de Mme Clinton par Wikileaks, que cette déstabilisation, passant par l’assassinat de Kadhafi, a été voulue et organisée par les Etats-Unis et les pays laquais d’Occident, ainsi que certains pays de la Péninsule Arabique.
Depuis 2011, le pays a vu apparaître de façon très artificielle des groupes armés se revendiquant de l’Etat Islamique largement financés et armés par des pays ayant participé à ce régicide libyen. En parallèle, deux camps ont émergé : le camp de M. al-Sarraj et le camp du général Haftar. Ce sont donc 3 camps, en tout, 3 forces armées qui sont réparties, depuis, sur le territoire.
M. Al-Sarraj a le soutien de l’ONU, dispose d’un soutien de l’Union européenne partiel, du plein soutien du Qatar, de la Jordanie, une partie des Emirats Arabes Unis et surtout de la Turquie. Ses forces armées ont combattu sporadiquement et plutôt timidement les territoires détenus par des mercenaires se réclamant de l’EI. Il détient environ 20% du territoire sous son contrôle. Il est le leader d’un gouvernement provisoire nommé le GNA qui se dit légitime pour diriger toute la Lybie vers une sortie de crise.
Le Maréchal Haftar est soutenu par les Etats-Unis, l’Egypte, l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, la Russie et partiellement la France, bien que tenue officiellement de soutenir Al-Sarraj du fait de son appartenance à l’Union Européenne. Haftar est le leader de l’armée de libération nationale ou ANL. Il était l’ennemi juré de Kadhafi. Ce dernier l’avait poussé à s’exiler hors de Libye. Ses forces armées ont activement combattu les mercenaires se réclamant de l’EI bien qu’étrangement, il reste de vastes territoires toujours sous le contrôle de ces 'djihadistes'. Le territoire sous contrôle d’ANL est d’environ 40%. Son esprit de conquête militaire est tantôt salué lorsqu’il combat l’EI, tantôt sévèrement critiqué lorsqu’il essaye de s’emparer de zones déjà contrôlées par le GNA.
La situation est critique. De nombreux pays prennent part d’une façon ou d’une autre à cette crise libyenne. Les juteux contrats d’armement des différents camps font perdurer le conflit armé. Toutefois la seule solution ne peut être que celle apportée par le peuple libyen. Depuis mars 2021, après 9 années éprouvantes, un collège de grands électeurs, réunis à Genève (en Suisse) sous le nom de Forum du dialogue politique libyen, ont voté pour un nouveau gouvernement. Le GNA fait donc place à ce nouveau gouvernement d'unité nationale ou GNU dont plusieurs hommes clés sont cette fois adoubés par le maréchal Haftar. Une prochaine réunion capitale du Forum est désormais prévue le 23 octobre 2021, pour une durée de 4 jours, afin de définir les conditions pour la tenue d’élections à la fois législatives mais aussi présidentielles.
Ces deux élections cruciales devront se dérouler le 24 décembre 2021. Il a aussi été acté que le mode de scrutin sera celui du suffrage universel. Un parlement sera créé, composé de deux chambres : La Chambre des représentants, basée à Benghazi, et le Sénat, basé à Sebha. Les candidats devront avoir la nationalité libyenne, être marié(e) à un conjoint de nationalité libyenne également. Par ailleurs, tout militaire en fonction qui obtiendra un siège démissionnera de facto de son poste dans l’armée. Des quotas pour les femmes et les minorités tribales ont été aussi prévus. Enfin, un projet de création d’une constitution par référendum sera proposé après ces deux élections historiques pour le pays. Ce forum à Genève aura donc pour mission de confirmer ces différents points, d’en définir les modalités et de mettre tout le monde d’accord.
Le nouvel envoyé dédié à la question libyenne de l’ONU, le ministre slovaque Jan Kubis, est toutefois inquiet de voir ce forum subir des pressions qui pourraient nuire à son bon déroulement. L’enjeu est pourtant essentiel : la bonne organisation de ces élections garantira l’adhésion du peuple qui rendra ainsi légitimes ses résultats. Et c’est avec cette seule et unique condition que la Libye pourra entrevoir une sortie à cette longue crise nationale. Mais l’engagement dans le conflit des pays occidentaux, élargis à leur traditionnels pays rivaux, nous font dire que la sortie de crise de la Libye n’est pas jouée à l’avance.
La Libye paie aujourd’hui un jeu de bac-à-sable de tensions géopolitiques entre les grandes puissances mondiales qui ne semblent pas se lasser du théâtre libyen… Affaire à suivre.