A en croire les instances publiques algériennes, la sexualité n'a pour unique but, que la reproduction. Cette réduction de la sexualité à son aspect reproductif entretient l'ignorance et la frustration chez les adolescents et les jeunes couples peu expérimentés. Qu’en est-il de l’amour ? De l’épanouissement ?
Des professionnels de la santé de la ville d'Oran (à l'ouest d'Alger) tentent de briser le tabou en apprenant aux jeunes à parler de leur sexualité, anonymement parfois, mais sans fausse pudeur. "La sexualité est un concept qu'il faut sortir en surface. (...) Il faut l'envisager en tant qu'acte relationnel, social, de recherche de la reconnaissance de l'autre et du plaisir...", affirme ce médecin et animateur d'une émission de radio sur "El Bahia": radio qui traite de sujets liés à la sexualité. En mettant en avant son intérêt scientifique et social, cette radio offre la possibilité aux auditeurs de parler librement et anonymement de sexualité.
Le SIDA a brisé un tabou
"Qu'on se le dise, la médiatisation du sida, au-delà du drame que la maladie représente, a brisé un grand tabou...", affirme un autre médecin. Récemment, à l'occasion d'une campagne de prévention contre le sida, il a eu à commenter à des lycéens un film sur le préservatif féminin. "Le préservatif féminin donne plus de liberté à la femme (toujours soumise dans le schéma sexuel traditionnel algérien) et sa participation dans les échanges amoureux constitue une véritable révolution" ajoute-il. Puis il rapporte cette anecdote qui témoigne de la difficulté du corps enseignant à aborder le thème de la sexualité : " A la fin de la projection, le ''censeur'' du lycée est venu me dire que c'était immoral de parler de ces choses-là aux jeunes, parce que parler de sexe les incite à la débauche", raconte le docteur. "Or il s'avère, d'après une enquête sérieuse menée aux Etats-Unis sur un échantillon de 75 000 jeunes, que l'éducation sexuelle retarde de deux ans le recours au premier acte sexuel chez les adolescents" soutient-il avec conviction.
L'éducation sexuelle exclue des programmes scolaires algériens
En Algérie, dans le milieu scolaire, l'éducation sexuelle est quasi inexistante. "Le cours relatif à l'appareil de reproduction, un prétexte dont use une minorité d'enseignants pour parler de sexualité de façon générale à leurs élèves, n'est pas toujours enseigné", constate Nadia, médecin spécialisée dans la santé scolaire. Celle-ci rapporte que parfois, les manuels scolaires de représentation du corps humain ignorent volontairement les organes sexuels, créant ainsi l'amalgame entre la morale et la science.
Le téléphone du cœur
S'il est difficile d'aborder les questions de sexualité dans le milieu scolaire algérien, les Oranais au moins, peuvent trouver des réponses à leurs questions d'ordre sentimental ou sexuel, grâce à un numéro vert : le 116. En effet, des "maisons de jeunes" d'Oran sont dotées d'un service téléphonique gratuit qui propose à chacun de parler de ses problèmes de couple et/ou essayer d'y apporter des solutions, avec l'aide de Saadia et Naïma, conseillères psychologues. Notez que les intéressés ne sont pas forcément de jeunes ados célibataires : selon les statistiques de cet établissement, les appels de personnes mariées et âgées de plus de 25 ans, représentaient environ 15% des appels en 1999-2000 et les sujets abordés sont divers : problèmes de cœur, infidélité, trop grande activité sexuelle ou au contraire inhibition, blocages, impuissance, homosexualité... etc.