L'oléiculture en Algérie est en danger

Oléicultrice agricultrice Bouira (Kabylie)
Oléicultrice agricultrice Bouira (Kabylie)

Le conseil interprofessionnel de la filière oléicole de la wilaya de Bouira en Algérie espère une réaction rapide du gouvernement algérien pour sauver leur filière d’une mort certaine.

Les agriculteurs ont jugé que la culture de l'olive dans cette région de Kabylie pour la saison 2021 était particulièrement prometteuse mais qu'elle risquait d'être la dernière, paradoxalement, si rien n'était entrepris pour garantir des prix stables aux consommateurs mais aussi pour combattre efficacement les ventes illégales.

La culture de l'olive de Bouira

La région kabyle de Bouira est notamment connue pour sa culture d'oliviers séculaires. La grande variété offerte par les différentes cultures donne chaque année l'une des meilleures qualité d'huile à l’échelle mondiale. Les oléiculteurs de la région bénéficient d'une grande renommée et ont été reconnus dans les foires nationales et internationales ces dernières années.

Les difficultés des exploitants agricoles

Les professionnels de la filiale oléicole tirent la sonnette d’alarme pour que les responsables se penchent sur les problèmes rencontrés.

Les cultures d'oliviers dans la région s'étendent sur 1 300 hectares mais la plupart des exploitations souffrent d'un manque d'irrigation. Ces difficultés majeures viennent du fait que des aménagements de liaisons entre les surfaces cultivées et le barrage de Tichy Haf de Bejaïa ne sont toujours pas achevés. Or le barrage a coupé l'accès aux sources d'irrigation naturelle dont bénéficiaient jusqu’à alors ces zones cultivées. Les agriculteurs multiplient les courriers pour rappeler l'urgence de résoudre l'accès à l'eau auprès des responsables depuis plusieurs années. Mais les promesses d’achever les travaux ne sont jamais suivies d'effets.

Les agriculteurs rappellent aussi leur grande difficulté à accéder à l'eau par forage. Du fait de leur organisation en exploitation agricole collective (EAC), organisation juridique imposée aux exploitants dans les années 80, ils sont dans l'obligation d'obtenir l'accord de tous les autres co-exploitants de leur EAC pour réaliser tout projet, dont celui de forer le sol pour obtenir la précieuse et indispensable eau. Pourtant, dans les faits, les agriculteurs réalisent leurs productions individuellement, les exploitants sont donc plus proches d'une exploitation agricole individuelle (EAI). Ils préconisent qu'il leur soit permis de quitter le statut imposé de l'EAC pour celui de l'EAI qui correspondrait à leur réalité et leur permettrait ainsi d'être indépendants dans la réalisation de leurs projets. Certains professionnels rappellent aussi que l'administration a déjà accordé le forage de puits à certains exploitants sans être regardants sur la forme, alors qu'elle se montre particulièrement tatillonne pour d'autres.

Les agriculteurs rencontrent également une autre difficulté de taille, concernant la transmission de leur concession à leurs enfants. Jusqu'en 2018, la transmission d'une exploitation agricole se déroulait dans la gratuité et les héritiers obtenaient une autorisation d'exploiter pour une durée de 99 ans. Mais une loi en 2018 a modifié ces modalités: désormais la durée de concession est réduite à 40 ans et la transmission entraine des frais tels, que les agriculteurs doivent y renoncer. Les sommes demandées par le service des Domaines dépassent l’entendement, elles atteignent parfois des dizaines de millions de dinars algériens.

Face au désespoir des exploitants, des "hommes d'affaires" spéculateurs proposent le rachat des terres et des exploitations. Ensuite, ils augmentent artificiellement leur valeur foncière dans le seul but de faire du profit au détriment de toute la filière qui assiste impuissante à cette nouvelle tendance, ce nouveau fléau.

Producteur d'huile d'olive
Producteur d'huile d'olive

Les professionnels agricoles interpellent les pouvoirs publics en questionnant ainsi: "Cette spéculation foncière se fait au détriment de l'agriculteur qui aura sacrifié sa vie au service de son pays afin d'atteindre l’autosuffisance alimentaire, mais il se voit interdire de léguer le fruit de son labeur à sa progéniture. Est-ce que cette situation est digne de notre pays?".

Le contexte économique

Pour autant, chaque année, c'est le prix de l’huile d’olive qui s'affiche comme le problème majeur. Les oléiculteurs estiment que, les prix grimpant chaque année, leurs produits de qualité sont désormais hors de portée du citoyen algérien disposant d'un revenu moyen. Cette année le prix de l'huile d'olive se situe entre 600 et 850 dinars le litre, soit 4 à 5 euros le litre.

Le prix est à la hausse chaque année parce qu'il fait l'objet de spéculation de la part d'acteurs purement financiers qui recherchent uniquement le profit. Le manque de protection du marché de l'olive par l'Etat leur permet tous les abus. Les professionnels réclament donc qu'une régulation soit entreprise dans l'urgence, que les prix de leurs produits soient garantis afin de permettre à tous d'accéder à leur production.

Le marché noir de l'olive

En parallèle, un marché noir s'est développé. Des intermédiaires revendent sans se cacher une huile modifiée, bien souvent en dégradant la qualité initiale du produit et le revendent à la sauvette. Il est fréquent de voir ce réseau distribuer ses produits altérés au bord des routes nationales sans que ces "vendeurs" ne soient jamais inquiétés par les autorités compétentes. Ce marché noir fait du tort à la profession, nuit à l'image de qualité des productions d'olive du pays, peut s'avérer dangereux pour la santé de la population et représente un grand danger pour l'économie algérienne dans son ensemble.

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Mis en ligne : Jeudi 21 Octobre 2021
 
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