Ce sont souvent les traditions liées au mariage qui nous permettent de comprendre une culture. Celle de Tizi Ouzou, en Algérie, est très intéressante. Un proverbe berbère dit que ce qui fait le goût du couscous, c'est la sauce, ce qui fait la force du mariage, c'est l'amour!
Le choix du futur marié
En Kabylie, la tradition veut que la jeune fille épouse quelqu'un du village. De cette façon, les patronymes se perpétuent et les biens que les futurs mariés ont en commun restent dans le cercle familial.
Les fiançailles appelées Ass lemlak
La cérémonie des fiançailles a un côté solennel qui engage les deux familles. Le montant de la dot doit être débattu devant témoins autour d'un repas offert par le père de la mariée. Les parents du jeune homme doivent offrir un œuf, de l’ervilier (des légumineuses), du parfum, des bijoux en argent et du henné. Ces cadeaux, à l'exception des bracelets en argent, ont une valeur symbolique plus que matérielle.
Le jour où les familles doivent officialiser les fiançailles, et devant des témoins, le père du jeune homme propose une somme d'argent généralement élevée pour prouver à l'assistance son aisance et sa générosité, et surtout, la valeur que possède la future mariée aux yeux de sa belle-famille. Le père de la jeune femme ne prend qu'une petite somme, c'est ce que l'on appelle hak entamatouth. On récite alors une prière, 'la fatiha' puis les parents du jeune homme se lèvent, tout en prononçant des vœux de bonheur et vont embrasser sur le front les parents de la jeune fille, en signe de respect.
A partir de ce jour, la jeune fille est définitivement promise.
A chaque étape, considérée comme une fête, à savoir la dot El hak entislit puis les fiançailles lemlak, la fiancée recevra des cadeaux.
Préparatifs du mariage, l'invitation à la fête
L'invitation des personnes et des familles à la cérémonie de la fête se fait toujours sous l'entière autorité du maître de la fête, et parmi les premiers invités se trouvent d'abord les frères, puis les différents parents, et enfin, les amis.
Préparation du couscous
Au foyer du futur époux, quelques jours avant la célébration du mariage, les femmes se réunissent pour rouler le couscous, en effet, la tradition veut que l'on n'utilise pas du couscous tout fait, mais qu'on prépare le repas.
Ces occupations donnent lieu à des réjouissances familiales : les femmes roulent le couscous en chantant et en récitant des poèmes. Chez la mariée, les mêmes préparatifs ont lieu mais là, d'une façon différente: on allume des bougies, qui devront rester allumées jusqu'à ce qu'elles se consument, on jette du sel lors du passage de la future mariée.
Bain de la mariée
La veille du départ vers son nouveau foyer, la jeune fille prend un bain. Une vieille femme est chargée de superviser ce rite, c'est la qibla, la même vieille femme qui s'occupe des fiançailles pour toutes les filles de la famille. Elle prépare minutieusement cette opération: la jeune fille se met debout dans un grand plat en bois, dans lequel elle met des fèves, des œufs et différentes herbes aromatiques. L'eau ne doit pas être chauffée, elle doit être pure et puisée le jour-même à la fontaine du village. Tout au long du bain, une bougie reste allumée, pour que, dit-on, ses jours s'illuminent.
Déroulement de la fête de mariage
La fête du mariage se déroule sur une durée de trois jours, au cours desquels la famille du marié doit réaliser plusieurs rites. Concernant la famille de la future mariée, il y a peu de chants et de danses, la fête ayant lieu du côté du marié.
Premier jour
Le matin, on commence par allumer des bougies. Une fois consumées, généralement en fin de matinée, des femmes en qui la mère du marié a confiance, ainsi que les belles-sœurs de la mère du marié (sœurs ou épouses des frères de son mari) préparent le repas ainsi que le trousseau de la mariée 'teaayan' constitué de denrées alimentaires destinées à la famille de la mariée et quelques effets vestimentaires à remettre à la mariée.
Ces cadeaux sont : la semoule, la viande, l'huile d'olives, pour la partie alimentaire. En fait, ces quantités alimentaires dépendent du contrat tacite convenu entre les deux familles. Pour la partie cadeaux vestimentaires, une paire de chaussures, une robe et une fouta …
Une fois les préparatifs terminées, on achemine les victuailles à la famille de la mariée, puis, on partage le repas du midi. Le soir, on pose du henné principalement sur les paumes des mains de la mariée, cérémonie appelée 'urar', accompagnée d’une chanson appelée Ouverture 'imebdi' en kabyle.
C’est après le dîner que des invités et des femmes entonnent les chants d'ouverture de l'urar, et par ces chants, elles souhaitent la bienvenue aux invités de la manière suivante :
Ouverture de la fête ; Imebdi n'urar:
C'est ta joie que nous a apprise mon frère et nous sommes venus Je me réjouis pour mon frère C'est ta joie que j'ai apprise, mon frère, et je suis venue Je me réjouis pour mon frère de sang Ô porteurs de chechias décorées Bienvenue aux gens qui sont venus L'urar est beau en leur honneur.
En kabyle. Lebdi burar : Sellferh ik agma ay nesla armi id-nusa Efrehgh as i ma g Emma Selferh ik a gma y sligh armi id-usigh Elhaja er da wer tsligh Selferh ik agma ay nesla armi id – nusa Efrehgh as i gma t tasa Ay ath choucha wzeyyani Y yechbah wurar fell asen
Les femmes procèdent à une autre forme d'animation qui consiste en chants, danses, youyous jusqu'à une heure tardive, durant cette animation se déroule la cérémonie du henné du marié. Ainsi on installe une natte tagarthilt, sur laquelle on pose une couverture tissée, achettid et deux coussins, l'un pour le marié, l'autre pour le poète qui lui posera le henné. On dispose également une assiette, un pot d'eau, un flacon d'eau de toilette pour la préparation du henné, un plat contenant du blé dur, des œufs frais et un bijou en argent tafezzimt elfetta. Des membres de la famille du marié viennent prendre place sur la natte où le groupe s'installe en cercle.
Tandis qu'un proche parent du marié prépare le henné, des femmes entonnent des chants spécifiques de la pose du henné et louangent le marié, pendant que les autres femmes font des youyous.
Louanges de la pose du henné Je prélude et chante sur le prophète Les œufs et le henné Qui veut rivaliser n'a qu'à s'approcher Je prierai sur le prophète nous répéterons Quand le henné sera prêt Le courtois le posera Présente ta belle main Avec un beau bracelet en argent Le henné vous portera bonheur Présente ta jolie main Avec un beau bracelet en argent Le henné vous sera bénéfique Tend ta main blanche Montre ton anneau de cheville Il posera le henné bien mérité Porte de belles boucles d'oreille Le charme coule sur lui Lampe entourée de ses frères Le henné embellit ses mains Il est venu d'Iflisen Le jeune faucon le posera.
En Kabyle: Acekker t-tuqqna i-ihenni Ad selligh f enbi a neghenni Thimllaline d elhenni Qerr'b a win illan d akhesmi Ad selligh f enbi a s nales Alhenni mi ad ires Yeqq'n it win illan d elkayen Arred afus ik yecbah A amer alfetta n eddah l'henni f ar a yerbah Arra d afus ik yezyen A amer elfetta ykenzen L'henni ara wnisaaden Arred afus ik amellal A amer elfetta wkhelkhal Ad yeqqen l'henni yuklal D si amer ay ilegh ugettum Essqi fell as yetsudum Elmesbeh mi zzin laemoum D si amer ay ilegh ettminas Essqi yettuddum fell as Elhenni ichebbah ifassen Id yekkan deg iflisen At yeqq' n elbaz mezziyen
La mère du marié allume trois ou sept bougies déposées à coté du plat de blé et des œufs, lorsque les chants arrivent à leur fin, et que le henné est prêt à être posé, on fait venir le poète, win yezznouzen elhenne , qui est généralement choisi pour sa verve poétique et son talent reconnu, à la fin de la déclamation poétique, les chants des femmes reprennent. Le poète enduit les premières phalanges, l'index et le majeur, de la main droite du marié. La mère du marié reprend l'assiette, la boite du henné et les bougies, et pendant la pose du henné, cette dernière étale une étoffe neuve pour recevoir les dons en argent.
La cérémonie de l'urar est clôturée par un air musical spécifique tiré d'une chanson fort connue, ebqaw aala khir qui veut dire au revoir.
Deuxième jour
Six moment forts marquent le deuxième jour de la fête:
Le premier moment important de la journée, le déjeuner ou ifathour : C’est la famille du marié qui invite à déjeuner des familles qui lui sont proches.
Le deuxième temps fort, la famille du marié organise un cortège en invitant les participants. Ce cortège quitte la maison pour se rendre à la demeure de la mariée.
La mère de la mariée reçoit le cortège en lui jetant du sel. La mère de la mariée allume quatre mèches, imbibées d'huile que la mariée tient entre les quatre espaces interdigitaux de sa main droite et qu'elle jette ensuite à terre lorsque les femmes du cortège commencent à pénétrer dans la cour de la maison.
Un autre évènement important de la journée est l’habillage et embellissement de la mariée. Choisies par la famille du marié, quatre femmes entrent dans la chambre où se trouve la mariée et l'habillent d'une robe tout en la parant de bijoux, chevillères, de larges bracelets, boucles d'oreilles, d'un diadème et d'un collier de clou de girofle et d'ambre.
Comme toujours, un chant accompagne ce rituel! Le Chant d'embellissement de la mariée: La mariée a baissé la capuche Fille de lionne aux beaux yeux Par Dieu que la parenthèse soit prospère La mariée a baissé la fouta La fille de la lionne de l'ubac Par Dieu que la demeure soit prospère Pose-lui la ceinture sur la taille Ses beaux-frères sont courtois Fasse Dieu qu'elle nous apporte la prospérité Pose-lui la ceinture sur le côté Ses beaux-frères sont d'appartenance princière Fasse Dieu que nous soyons tous prospères Ô gens des Ath Jmiaa, ô dattes mûries en grappes Ô gens aux fusils, dorés jusqu’à la bretelle Ils frappent avec le fer, et disent à l'ennemi 'courbe l'échine !' Ô gens des Ath jmiaa, ô dattes mûries en grappes Ô gens aux fusils, dorés jusqu'au canon Ils frappent avec le fer, et disent a l'ennemi : 'tremble' A qui est-elle cette demeure, elle est à Sidi Hand le Tunisien De chaux et de brique, sa tuile est écarlate Nos alliés matrimoniaux conviennent, tel le miel sur le beurre Je louangerai la maîtresse de la demeure Porte l'eau et les friandises Nous avons ramené celle aux cils noircis par le khôl Je louangerai la maîtresse de la maison Apporte les friandises et l'eau Nous avons ramené celle aux cils bruns Passe devant un petit garçon et avertis La maîtresse de la maison Dis : Aujourd'hui est un jour de joie pour elle
Chant en kabyle, Achebbah n teslith : Tisliht tebrad i weqelmum Yellis ettsedda m laayun A Rebbi s lehna b-b-edrum Sers as aggus ghef ammas Ilewsan is d elkkayas Enchallah a nerbah fell as Sers as aggus gh af taghma Ilewsan is d esslatna Enchallah a nerbah merra Ay Ath Jmiaa, a tsmer yebbwan d agazu Ay Ath Lemkwahel timdehbin ar tikhenfache Ekkathen s wuzzal, eqqaren iwaadaw araache Wilan elhara wlan, en Sidi Hhend u-Wamer Elgir we ellajur, elqarmud ar inehher Idewlan ennegh , terna tamemt ghaf ud Ad chekkragh lall el lhara Awid aman d elaada Nebwid em yigel yeghman Ad chekkregh tall n wekham Awi- d elaadda d waman Nebwi – d em yrgel yeghman Ezwir ay abghur aalm as Lall n wekham thinidh as Assa d asaadhi fell as
Cinquième moment clé: La pose du voile, puis le départ de la mariée avec le cortège
Peu de temps avant de quitter le domicile familial, on procède à la pose du voile. La jeune mariée en plus de son trousseau, emporte des provisions : des beignets et des gâteaux. Le cortège s'éloigne en chantant et en tapant des mains.
Le dernier temps fort de la journée: L'arrivée de la mariée
Juste a l'entrée dans sa nouvelle demeure, la mariée doit mettre dans sa bouche un morceau de sucre, qu'elle doit garder jusqu'à ce qu'elle franchisse le seuil de sa nouvelle maison. La belle-mère s'approche de la mariée, lui tend une cruche d'eau que la mariée doit vider en trois fois derrière elle. Une autre tradition veut qu'elle casse un œuf sur le seuil de la porte.
La mère du marié défait sa longue ceinture, avec laquelle elle encercle les mariés et elle- même, ainsi rapprochés, tous les trois passent le seuil de la porte et se rendent à l'intérieur de la pièce où se reposera la mariée.
Chant accompagnant l'arrivée de la mariée : Bienvenue à toi … (prénom de la mariée) Ô fusil qui vaut cent Fasse Dieu que tu sois prospère Bienvenue à toi la mariée! Ô fusil algérien Que tu nous sois de bonne augure Bienvenue à son beau-frère Lui qui a vidé sa bourse Il a pris la perdrix sous son aile
Aggwad n teslit : Elaaslama – m a A tameghelt em-miyya A Rebbi s lehna tall n wekham Akk' m a tislit A tameghelt tazayrit Ed fell-am nerbah naf-it Elaaslama- s i wlews-is A win yezwin takhrit – is Yebbi ihejla ddaw iferr-is
Après l'installation de la mariée et de ces accompagnateurs, un dîner est servi. Cela constitue le Second urar : après le dîner, chacun se rend sur la place ou a lieu la séance nocturne de jeu musical et danse.
Troisième jour
Le lendemain, et après la consommation du mariage, des coups de feux sont tirés. Les hommes de la famille sont admis à rendre visite à la mariée en lui donnant de l'argent.
7 jours après le mariage
7 jours après le mariage, c’est le Sabaayam. C'est le septième jour que les parents de la mariée, en particulier sa mère, viendront lui rendre visite. Mais dans certains villages kabyles, c'est le contraire: c'est la mariée accompagnée de son mari et de sa belle-mère qui ira rendre visite à ses parents.
Et le septième jour, c'est le jour de la mise de ceinture, sorte de couronnement. Avant cela, on fait s'asseoir un garçon premier-né sur les genoux de la jeune mariée. Ensuite, la belle-mère lui enroule autour de sa taille une ceinture en laine et pour sa première sortie, la jeune mariée se rend à la fontaine, accompagnée d'un groupe de parentes et d'amies et elle remplit une cruche.
Chant accompagnant le ceinturage de la mariée
Heureux matin la mariée, visage plaisant Bravo à l'homme que tu as épousé, il est pareil à une tresse La nouvelle parviendra à ta mère, qui s'en réjouira tant Heureux matin la mariée, visage de prospérité Bravo à l'homme que tu as épousé, il est pareil à une lampe La nouvelle parviendra à ta mère, qui s'en réjouira sans compter.
Agas n teslit : Esbah elkhir a thislit, aqadoum n elhellou Es lehna fi ergaz toughed, amzoun d asarou D lekhbar ad yawden yemmam, at eayou tzehhou Esbah elkhir a tislit, aqadoum n erbah Es lehna fi ergaz toughed, amzoun d elmesbah D lekhbar ad yawden yemmam, aayou thferrah.
Enfin, lors du septième jour, on considère que le mariage et ses rituels sont finis.