La Tunisie, par le biais d'un communiqué officiel, a démenti, jeudi 3 août 2023, l'accusation des Nations unies selon laquelle elle aurait expulsé des migrants des pays d'Afrique subsaharienne vers ses frontières avec la Libye et l'Algérie, qualifiant l'accusation d'"allégations sans fondement".
Mardi, les Nations unies ont exprimé leur préoccupation face à l'expulsion de migrants, de réfugiés et de demandeurs d'asile par les autorités tunisiennes vers ses frontières avec l'Algérie et la Libye voisines, selon les déclarations de Farhan Haq, porte-parole adjoint du secrétaire général de l'Organisation internationale. Haq a affirmé qu'un certain nombre de ceux qui avaient été expulsés et déportés vers la frontière avec la Libye étaient morts, notant que des centaines d'autres, dont des enfants et des femmes enceintes, étaient toujours bloqués là-bas sans disposer de suffisamment d'eau et de nourriture et dans des conditions extrêmement difficiles. Au cours du mois écoulé, 24 corps de personnes, dont des femmes et des enfants, aurait été retrouvés dans le désert libyen, selon des sources humanitaires.
Le ministre tunisien de l'Intérieur dément
Jeudi, le ministre tunisien de l'Intérieur, Kamal al-Fiqi, a qualifié d'inexactes les informations sur l'expulsion par son pays de migrants et de demandeurs d'asile africains. Al-Fiqi a confirmé à l'agence de presse officielle tunisienne que ce qu'il a décrit comme des "allégations" sur l'occurrence de ces pratiques par les autorités tunisiennes sont "sans fondement". Il a averti que de telles nouvelles auraient des répercussions négatives sur les performances de la police aux frontières du pays, appelant à les vérifier avant de les publier.
Al-Fiqi a déclaré que le dossier de l'immigration est traité conformément aux lois tunisiennes, ajoutant que ce qu'il se passe à l'extérieur des frontières du pays n'est pas de la responsabilité de l'État. Il a souligné qu'il respectait les droits de l'homme et qu'il coopérait avec les organisations humanitaires afin d'aider les migrants sur les frontières terrestres ou maritimes. Il a ajouté que depuis le début de l'année, les autorités de son pays ont secouru 15 327 immigrés illégaux, la plupart originaires de pays d'Afrique subsaharienne.
Une invasion de migrants illégaux pour affaiblir la Tunisie ?
Le 3 juillet, la police de la ville de Sfax, dans le centre-est de la Tunisie, aurait expulsé de force des dizaines d'immigrants illégaux de la ville, suite à des actes violents qui se serait terminés par le meurtre à l'arme blanche d'un citoyen lors d'affrontements entre la police et les habitants. Human Rights Watch a déclaré que 1200 immigrants illégaux avaient été expulsés vers des zones reculées aux frontières avec la Libye et l'Algérie lors de cet incident.
Le lendemain, le président Kaïs Saïed a déclaré, lors d'une visite au ministère de l'Intérieur, que son pays n'autoriserait personne à y résider sauf s’ils respectent ses lois, n'accepterait pas l'installation d'immigrés ni ne serait le gardien des frontières des autres pays, en référence aux pays européens.
Saïed a aussi répété ses déclarations précédentes, dans lesquelles il parlait de l'existence de réseaux criminels et de plans visant à semer le chaos et à modifier la composition démographique de la population en Tunisie.
Le président tunisien pense que la migration des Africains en grand nombre est orchestrée par des puissances étrangères ou par des individus qui veulent nuire aux Maghrébins. Certains Tunisiens, à l’instar d’une dénommée Sawsan Bouzir, ont été choqués de voir que des Africains subsahariens distribuaient des tracts dans les villes affirmant que "Le jour viendra où les Tunisiens seront expulsés de chez eux, car le continent africain appartient aux Noirs". Sawsan Bouzir, qui a animé une page Facebook sur le sujet, avait écrit : "On leur a appris que l'Afrique est réservée aux Noirs et que nous sommes des occupants qui devons être éliminés et expulsés ! Ils sont imprégnés d'un racisme odieux. Ils nous considèrent comme les occupants de leur terre !".
Sur TikTok, une femme noire a pris la parole pour mettre en garde tous les pays du Maghreb, et appelle à la destruction systématique de ces États en tant qu'entité existentielle et morale. "L'Afrique doit noircir du nord au sud. Et d'est en ouest, comme disait Marcus Garvey (Un militant noir afrocentriste). Nous appelons les Africains (noirs) à simplement migrer vers l'Afrique du Nord".
Et un autre ajoute : "En ce moment, la jeunesse africaine doit garder à l'esprit que la Mauritanie est noire. Ainsi que la Tunisie, le Maroc et la Libye. C'est un avertissement ! Nous appelons notre peuple à récupérer la terre qui leur revient (l'Afrique du Nord)". Un Tunisien dira, en parlant d'une vidéo postée par un Noir, sur TikTok : "Apparemment, ils disent qu'ils vont collecter de l'argent pour réparer les dégâts d’un incendie. Mais toujours en temps de crise, les masques tombent et révèlent leur vraie nature. Ils collectent de l’argent pour récupérer "leur terre".". Et d'autres vidéos sont publiées dans l'application qui mettent l'accent sur le rassemblement de ces Africains, où l'un d'eux se tient parmi la foule, prêchant avec enthousiasme la conquête de l’Afrique du Nord. Alpha Blondy a déclaré que tous les jeunes Africains devraient prendre les armes. Un Africain vivant en Tunisie a justement déclaré : "Mes frères et sœurs immigrés, vous devez porter des armes dans vos sacs pour vous défendre et défendre vos proches.".
Tout cela, on s’en doute, n’est pas pour rassurer les Maghrébins en général. Ainsi, sur la page "Al-Dhara'an est ma ville", un homme accuse l’Europe de manigancer des choses avec la complicité de chefs d’État noirs africains : "La situation est délicate au Maroc, en Tunisie, en Algérie et en Égypte à cause des réfugiés africains. La vie des gens est devenue difficile, parce que les réfugiés menacent la sécurité publique. L'Union européenne et les organisations de défense des droits de l'homme en Suisse appellent l'Algérie à respecter les droits des réfugiés africains et à ne pas les expulser vers leur pays ni à porter atteinte à leur vie, et elles exigent également leur intégration dans la société algérienne.".
Et le propriétaire de la page d'ajouter : "En fait, c'est un plan systématique des Européens pour semer le chaos et les problèmes sociaux au sein de la société algérienne et des sociétés maghrébines en général afin de piller les richesses des Africains à leur convenance, parce que l'Europe souffre d'une crise énergétique et de nombreuses crises économiques. L'Afrique dispose d'énormes ressources naturelles dont elle s'empare avec la complicité des chefs d'Etat de ces réfugiés. L'affaire a payé au Maroc puisque beaucoup de femmes marocaines épousent ces réfugiés. Mais l'Egypte ne l’entend pas de cette oreille : elle a annulé la semaine dernière un spectacle d'un comédien américain nommé Kevin Hart, 36 heures avant son arrivée au Caire, parce que cet artiste est actif dans le mouvement afrocentriste. Ce mouvement prétend que les pharaons égyptiens sont originaires du Soudan et que l’Egyptien d’aujourd’hui n'a rien à voir avec l'Egyptien ancien.".
Dans une vidéo largement relayée sur les réseaux sociaux, il y a des déclarations de ces militants afrocentristes sur le départ des Arabes maghrébins vers l'Arabie saoudite et le départ des Berbères d'Afrique du Nord vers l'Europe de l'Est. En résumé, beaucoup croient qu’il y a un stratagème derrière lequel se cachent certaines patries étrangères, pour encourager l'installation des Africains noirs en Tunisie, et remplacer son identité arabe et amazighe par une "identité nègre", si on en croit les discours du président Kaïs Saïed, auxquels adhèrent les Tunisiens, dans leur globalité, au vu des nombreuses manifestations qui ont eu lieu récemment dans plusieurs villes tunisiennes.
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