Hatchepsout la régente de Thoutmôsis et pharaonne des Deux Terres
Hatchepsout (Hatashbasout) est reine-pharaon, qui s'est auto proclamée pharaon et c'était une première! C'est le cinquième souverain à avoir régné de la XVIIIeme (8 e) dynastie de l'Égypte antique. Son nom signifie "La Première des Nobles Dames".
Généalogie
Hatchepsout est la fille de Thoutmôsis Ier et de la Grande épouse royale Ahmès. Son demi-frère, Thoutmôsis II, qu'elle avait épousé pour perpétuer une tradition, comme en Perse, monte sur le trône après le décès de son père ; mais, probablement d'une santé fragile, il disparaît jeune. Manéthon l'appelle Amessis ou Amensi.
Inéni, qui fut maire de Thèbes, rapporte dans une inscription autobiographique trouvée dans sa tombe que "Thoutmôsis (le second) partit pour le ciel et se mélangea aux dieux. Son fils (Thoutmôsis III, le fils de Thoutmôsis II et d'Iset, une des concubines de son père) monta à sa place sur le trône du Double Pays et régna sur le trône de celui qui l'avait enfanté.". Le terme de double pays désigne l'Egypte dans son ensemble, composée de la Haute et Basse-Egypte. Or, à son avènement, le nouveau roi "était toujours un tout jeune enfant. C'est pourquoi sa tante Hatchepsout (…) conduisait les affaires du pays. Les Deux Terres étaient soumises à sa volonté et la servaient.". Plus tard, son neveu Toutmôsis III lui en voudra; il détruira pratiquement tout ce qu'elle avait construit et cassa le nez de sa momie.
Titulature
Durant son règne que l’on situe entre l’an -1479 jusqu’à l’an -1457 avant J.C., la reine-pharaon se fait élever un grandiose temple funéraire à côté de celui de Montouhotep II, à Deir el-Bahari dans une falaise de la montagne thébaine. Malgré les 120 sphinx qui montaient la garde devant l'entrée, son nom fut martelé après sa mort afin d'être effacé du monument, probablement à l'instigation de son neveu et beau-fils, Thoutmôsis III.
Sa célébrité actuelle doit plus à son audace de se faire représenter comme un homme qu'à son règne pendant l'âge d'or de la XVIIIe dynastie. A la mort de son époux et demi-frère Thoumôsis II, elle devient régente en attendant que son neveu Thoutmôsis III, trop jeune alors, puisse monter sur le trône. Elle choisit alors très symboliquement le premier jour (1er) de la VIIème (7e) année du règne de Thoutmôsis III pour organiser son propre "couronnement". Le premier jour de l’an se nommait I Akhet. Cette information concernant le sacrement de la reine-pharaon nous vient des bas-reliefs du temple de Deir el-Bahari.
Selon les inscriptions de son seul obélisque érigé à Karnak et encore debout, cette symbolique ne s’est pas traduite dans la réalité. En réalité, le couronnement d’Hatchepsout eut lieu entre le II Peret 1 et le IV Chemou 30, soit bien plus tard dans l'année. Mais elle voulait donner plus de force et de symbolique à cet évènement en le situant le jour de l'an, certainement pour augmenter l’adhésion de ses sujets.
Elle obtint alors l'ensemble des pouvoirs en tant que pharaon grâce à l'appui du haut clergé d'Amon dirigé par le grand prêtre Hapouseneb. L'héritier légitime Thoutmôsis III se voit donc relégué au second plan.
Elle devient par cette cérémonie de sacralisation:
Deux Maîtresses : Celle dont les années reverdissent (ou se renouvellent) ;
Horus d'or : Celle dont les apparitions sont divines ;
Roi de Haute et de Basse-Égypte : Maâtkarê (Maât est le ka de Rê) ;
Fils de Rê : Khenemet-Amon-Hatchepsout (Celle qui s'unit à Amon (ou : rejeton d'Amon), la première des nobles Dames).
Horus femelle : Celle dont les kas sont puissants. Les kas des anciens égyptiens sont l'équivalent des chakras des hindous. Il s’agit de l'aura et de l'énergie émanant de l'âme divine.
Elle n'usurpe pas à proprement parler le trône, car Thoutmôsis III reste associé aux manifestations royales. Officiellement, la reine-pharaon n'est que corégente de Thoutmôsis III, mais c'est incontestablement elle qui détient la réalité du pouvoir.
Pour se donner un surcroît de légitimité, elle propage le mythe de sa naissance divine. Selon une longue inscription dans son temple funéraire à Deir el-Bahari, son Temple des Millions d'années, elle aurait été générée par le dieu Amon qui avait pris les traits de son père, Thoutmôsis Ier ; après ce "mariage sacré" ou théogamie, Khnoum la façonna sur son tour de potier et elle fut présentée à Amon qui lui promit "cette bienfaisante fonction royale dans ce pays tout entier". D'ailleurs, du vivant déjà de Thoutmôsis Ier, elle aurait été installée sur le "trône d'Horus des vivants", c'est-à-dire couronnée, en présence de la Cour, après que l'oracle d'Amon à Karnak l'eut désignée comme roi.
La Reine est devenue un Pharaon
Après son couronnement, Hatchepsout remplace la traditionnelle robe fourreau et sa couronne de reine par le pagne court, le némès et la barbe postiche. Elle abandonne donc ses habits typiquement féminins pour ceux des rois, ceux de l’homme. Les nombreuses statues la représentant en homme attestent de sa volonté d'être reconnue comme roi. Toujours durant l'an VII, elle fait élever son temple funéraire à côté de celui de Montouhotep II, dans une falaise de la montagne thébaine, à Deir el-Bahari, temple que les Égyptiens nommaient Djéser-Djéserou, "le Saint des Saints". Outre son temple de millions d'années, elle fait construire sa tombe dans la vallée des rois près de celle de son père, et, à Karnak, le huitième pylône de même qu'une chapelle-reposoir pour la barque d'Amon, dite la chapelle rouge.
Cette femme énergique sut se maintenir au pouvoir pendant une vingtaine d'années, grâce à l'appui de dignitaires compétents et dévoués dont le sort était probablement lié au sien : Pouymrê, deuxième prophète d'Amon et grand architecte ; le chancelier Néhésy, qui prit la tête de l'expédition vers le pays de Pount ; Hapouseneb, son vizir et grand prêtre d'Amon ; Sénènmout (ou Senmout), son favori, qui était aussi le précepteur de la princesse Néférourê.
Sénènmout, fils de Ramose et de Hatnefer, était d'origine modeste, mais son ambition et ses talents lui permirent d'accéder aux faveurs de la reine. Il devint son premier conseiller, peut-être son amant, accumulant richesses et titres: Ami unique, Serviteur de Maât, régisseur des domaines royaux, intendant des "champs et des troupeaux d'Amon", "Directeur des Deux Greniers". Il fut aussi "Directeur de l'ensemble des travaux du roi (c'est-à-dire de la reine)". Le principal ouvrage qu’il eut à superviser fut la construction du Château des Millions d'années, dont il fut aussi l'architecte. En l'an XV, il dirigea l'expédition qui rapporta des carrières de granit d'Assouan la paire d'obélisques que la reine fit dresser à Karnak. Après le décès de Néférourâ, il tomba apparemment en disgrâce. Son nom et ses images furent effacées des fresques et sculptures du vivant même d'Hatchepsout.
Un règne pacifique
Selon toute vraisemblance, le règne d'Hatchepsout fut pacifique, quoiqu'en l'an XII elle dût mater une rébellion nubienne au niveau de la seconde cataracte (du Nil). Même si la majorité de ses constructions en Nubie furent détruites sous ses successeurs, il subsiste quelques traces de son passage à Kasr Ibrîm ainsi qu'à Bouhen. La politique étrangère de la reine se caractérisait en particulier par des expéditions commerciales. Ainsi, dans le Château des Millions d'années, les bas-reliefs illustrent une expédition envoyée au Pays de Pount, en l'an VIII/IX du règne : à leur retour, "les navires étaient chargés particulièrement lourdement des merveilles (... ) du pays divin (... ) – de l'or, de l'ivoire, du bois d'ébène, des peaux de panthère, une panthère vivante, une girafe, des parfums et des huiles de sycomore…", mais en particulier de l'encens, qui était abondamment utilisée dans les cérémonies du culte. En provenance du pays de Canaan (l’actuel Liban), ses caravanes rapportaient le bois de cèdre indispensable à la construction des bateaux ; une expédition vers le Sinaï permit d'exploiter les mines de cuivre et de turquoise. Le Sinaï regorge de richesses en minerai : voir cet article à ce sujet
En l'an XXI ou XXII, deux ans après la disgrâce de Sénènmout, Thoutmôsis III assuma seul le pouvoir et fit effacer en les martelant les cartouches de la reine mystérieuse, leur substituant ceux de Thoutmôsis Ier et II ou encore les siens.
La momie d'Hatshepsout retrouvée
En 1903, l'égyptologue Howard Carter – à qui on doit la découverte de la tombe de Toutânkhamon en 1922 – avait mis au jour les momies de deux femmes dans la tombe KV60 de la vallée des rois à Louxor. L'une des momies se tenait dans un sarcophage tandis qu'une autre était posée simplement sur le sol de la tombe. La première momie fut identifiée comme celle de Satrê, la nourrice d'Hatchepsout. L'identité de la seconde femme demeurait jusqu'à ici inconnue. Tandis que la momie de la nourrice avait été transférée au musée égyptien du Caire l'autre avait été laissée sur le sol au sein de la tombe. La spécialiste américaine des nécropoles thébaines Elisabeth Thomas (aujourd'hui décédée) avait été la première à soulever la possibilité que la momie anonyme puisse être celle de la reine elle-même ce qui lui avait valu d'être vertement critiquée par d'autres spécialistes. L'argument principal de l'égyptologue était le fait que la momie avait le bras gauche replié sur la poitrine, ce qui, dans l'Égypte antique, était un geste propre aux momies royales.
Cette momie anonyme retrouvée dans le tombeau KV60 a été officiellement authentifiée par Zahi Hawass, directeur du Conseil suprême des Antiquités égyptiennes, le 27 juin 2007, comme étant celle de la reine Hatchepsout. Elle ne portait aucune parure, pas de coiffe, ni de bijoux, ni de sandales, ni de faux ongles en or aux pieds ou aux mains : aucun de ces trésors que l'on retrouve habituellement dans les tombes des reines et qui, d'ailleurs, escortèrent dans l'Au-Delà le pharaon Toutânkhamon.
L'identification a pu être envisageable grâce à l'utilisation d'un scanner 3D qui a permis de découvrir un fragment de dent dans une boite à viscères (canope) portant le nom d'Hatchepsout et de trouver dans la denture de la momie anonyme à la mâchoire cassée, l'emplacement (le creux d'une dent brisée) d'une molaire manquante lui correspondant.
Grâce au CT-scan, une technique d'imagerie donnant la possibilité une recomposition du corps en trois dimensions, les archéologues ont précisé qu'il s'agissait d'une femme d'une cinquantaine d'années qui était obèse et souffrait de diabète et d'un cancer des os métastasé, dont le décès aurait été hâté des suites d'un abcès dentaire mal soigné.
La momie d'Hatchepsout a été transférée au musée égyptien du Caire.