Dans la religion islamique
L'islam érige la sexualité au rang d'obligation pieuse ! "Coïtez et procréez", dit-il. Sans péché originel ni culpabilité, le rapport sexuel, censé rapprocher le musulman de Dieu, est à la base du Nikâh, le mariage. "En se mariant, l'homme accomplit la moitié de la religion", dit un hadith. Si l'époux se révèle défaillant ou s'abstient d'honorer sa femme pendant plus de quatre mois, le couple sera dissous ! Il ne saurait ainsi y avoir de mariage blanc.
Mahomet précise que "chacun des deux nouveaux partenaires doit avoir dégusté le petit miel du conjoint". Le Coran invite même les hommes à prodiguer "baisers et douces paroles", plutôt que de "se jeter sur sa femme comme le font les bêtes". Treize siècles avant les féministes, il invente le droit au plaisir. "C'est la divine surprise !", admet le psychanalyste et anthropologue Malek Chebel (2).
On pense aujourd'hui que l'islam est souvent synonyme de rigorisme et de prison pour les femmes. Mais on a tendance à oublier que la tradition musulmane possède un autre visage : celui des Mille et Une Nuits, de la légitimité de la jouissance, du goût de la bonne chère et des parfums, des raffinements des jeux du sexe, du paradis où l'érection est éternelle et l'orgasme infini... Si l'islam a 99 noms pour nommer Allah, il en a 100 pour nommer l'amour charnel !
Comme dans le judaïsme, l'inceste, l'adultère, l'homosexualité (le lesbianisme n'est pas mentionné) et la zoophilie sont bannis. Une fois ces interdits posés et le tabou de la menstruation respectée, l'arrivée de la religion de Mahomet a, d'une certaine façon, libéré le rapport à la sexualité. Bien sûr, lorsqu'elle reste contenue dans le cadre légitime du mariage. Toute l'étendue des plaisirs peut être avantageusement explorée : "Vos femmes sont pour vous un champ de labour : allez à votre champ comme vous le souhaitez" (sourate II, 223).
On appréciera la métaphore agraire et son robuste machisme : l'invitation ne s'adresse qu'aux hommes... Par le double effet des préjugés de l'époque et de la sacralisation du Texte, le primat accordé au masculin et l'exaltation de la fécondité, qui imposait la surveillance des femmes, ont débouché sur ce que Fethi Benslama (3) nomme une "rature de la jouissance féminine". Comme l'écrit Abdelwahab Bouhdiba (4) : "La sexualité ouverte, accomplie dans la joie en vue de la réalisation de l'être, a peu à peu cédé la place à une sexualité close, morose et comprimée."
(2) Directeur de l'Institut pour l'Etude des Religions de la Sorbonne. Auteur de "l'Imaginaire arabo-musulman" (PUF, 2002) et de l'"Encyclopédie de l'amour en islam" (Payot). (3) "La Psychanalyse à l'épreuve de l'islam" (Aubier, 2002). (4) "La Sexualité en islam" (PUF).