Le Liban fait face à ses pires difficultés économiques depuis la guerre civile.
Des foules de manifestants se sont de nouveau rassemblées dimanche 17 novembre 2019 dans de nombreuses villes du Liban, un mois jour pour jour après la première contestation contre une élite politique jugée corrompue, qui ne parvient pas à former de nouveau gouvernement ni à sortir le pays de sa plus grave crise économique depuis la guerre civile de 1975-1990.
La crise politique s'est aggravée avec l'annonce samedi soir par Mohammad Safadi qu'il renonçait à devenir le prochain Premier ministre libanais, poste revenant à un sunnite. Cet homme d'affaires et ancien ministre des Finances a jugé trop difficile de former un gouvernement "harmonieux" soutenu par toutes les forces politiques du pays.
Mohammad Safadi semblait pourtant être la première personnalité à faire consensus au sein des élites politiques, depuis la démission du Premier ministre Saad Hariri le 29 octobre face à la colère populaire.
Son retrait pourrait retarder l'adoption de réformes que le Liban s'est engagé à mettre en oeuvre dans l'espoir de convaincre les pays donateurs de lui verser les 11 milliards de dollars promis lors d'une conférence à Paris en 2018.
Une autre source politique a déclaré que les efforts pour former un nouveau gouvernement étaient "revenus à la case départ". L'agence de notation Standard & Poor's a adressé vendredi un avertissement au Liban en abaissant sa note de crédit plus loin dans la catégorie spéculative, de "B-/B" à "CCC/C". Des sources politiques ont estimé que la crise libanaise se dirigeait vers l'internationalisation si les problèmes les plus graves n'étaient pas résolus dans les 24 heures. Notant que la visite de l'envoyé français était le premier signe de l'internationalisation de la crise, plusieurs interventions seraient sans aucun doute soulignées. Le président est chargé de former un gouvernement convenu au préalable.
Safadi reproche à Hariri des promesses non tenues
Les banques libanaises sont restées fermées pendant la majeure partie du mois écoulé en raison d'une grève de leur personnel craignant pour leur sécurité face à des clients désireux d'accéder à leurs comptes. Elles ont imposé des critères renforcés aux transferts d'argent vers l'étranger et des plafonds aux retraits en dollars alors que la livre libanaise, arrimée au dollar, est sous pression sur le marché informel.
Les Libanais qui manifestent depuis le 17 octobre ne paraissaient pas convaincus par la personnalité de Mohammad Safadi, perçu comme un représentant d'une élite qu'ils rejettent.
Cet homme d'affaires et ancien ministre était apparu comme le favori pour prendre la tête d'un futur gouvernement à l'issue d'une réunion entre Saad Hariri et les mouvements chiites Amal et Hezbollah, selon des sources politiques et les médias locaux. Aucune force politique ne lui a pourtant publiquement apporté son soutien ensuite.
Signe de la nervosité ambiante, le Courant patriotique libre (CPL) du président chrétien Michel Aoun a accusé Saad Hariri de n'avoir rien fait pour favoriser les chances de Mohammad Safadi afin de pouvoir être lui-même reconduit au poste de Premier ministre.
Le CPL dénonce la logique du "moi et personne d'autre" qu'aurait Saad Hariri en raison de sa volonté de revenir à la tête du gouvernement à la condition que celui-ci soit uniquement composé de technocrates, hormis lui-même.
Les services de Saad Hariri ont qualifié ces accusations de tentative irresponsable destinée à "marquer des points" malgré la "grave crise nationale" que traverse le Liban.
Mohammad Safadi n'a pas précisé quelles promesses Saad Harir n'a pas tenues mais a ajouté: "Il ne me restait d'autre choix que d'annoncer mon retrait".